La ruée vers l'ouest

Publié le par Aurélie

Parce que j'ai pris beaucoup de retard, je publie seulement maintenant la deuxième partie de l'article de Géraldine (après quelques modifications) sur son séjour en Guyane. Pour ceux qui n'ont pas lu le premier article, jetez un coup d'oeil sur "Merci Géraldine". Sur ce, je lui laisse la parole.
 
 
 
21 février : Aïeu !!!
Debout péniblement à 11h30. Pluie torrentielle de saison : jusqu'à présent elle avait la délicatesse de ne venir qu'à la nuit tombée. J'ai une tête à faire peur aux singes eux-même et mes pieds refusent de porter mon poids ! Mais bon, il le faudra bien car cet après-midi nous devons aller à un enterrement : celui du roi Vaval. Tout le monde doit se mettre en noir et blanc pour l'occasion.
 
     
             
 
On finit par suivre le groupe d'Henri (un ami de Christiane), et Pascal (voir dans l'album amis) qui jouent et défilent. Nous arrivons sur la place des Palmistes où Vaval doit être brûlé.
 Il sera brûlé malgré les pleurs et les lamentations : « Vaval pa kité nou ! »
 
 Seulement, lorsque nous arrivons sur la place, nous distinguons deux grands groupes de jeunes cagoulés (mais pas par déguisement). Henri nous ordonne de suivre son groupe qui essaie de contourner ces jeunes et de sortir de la place des Palmistes, car il semble que ces groupes de quartiers différents aient décidés d'en découdre. Le nombre des représentants des forces de l'ordre semble confirmer les craintes d'Henri. On ne verra donc pas Vaval brûler car Henri tient à ce qu'on les suive loin de l'agitation de la Place.
Nous rentrons un peu déçues mais bon.
 
Plus tard, nous prenons l'apéro sur la terrasse du bungalow pour se consoler, les voisins nous rejoignent.
 
22 février : Début du Périple !
Réveil de très tôt (1h de route nous attend) car nous devons être à 7h30 au ponton des navettes au départ de Kourou pour les îles du Salut (pour ceux qui ont oublié où elles sont, relisez l'article: Les Iles du Salut-1) ! Nous accosterons à l'Ile Royale et y visiterons les vestiges du bagne. C'est impressionnant même si les toits sont absents et la plupart des murs mangés par la végétation.  
En ce qui nous concerne, nous ne pourrons pas visiter l'Ile St Joseph car Yannick Noah a décidé de visiter les îles en même temps que nous mais du coup il a réquisitionné un skipper. Donc pas de visite sur l'île St Joseph pour le commun des mortels ! GRRRRRRrrr !.
 
 
 
 
 
L'hôpital:où bien souvent les bagnards faisaient un très court  séjours avant de mourir et d'aller nourrir les requins!                 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Les agoutis: nouveaux occupants du bagne et forçats de la noix de coco !
   
L'église où un bagnard-artiste y a peint de très jolies scènes religieuses mais en mettant les visages de ses co-détenus à la place de ceux des saints ! 
 
 
Un seul tout petit cimetière : celui des enfants nés sur les îles dans les familles des gardiens. Pas d'adultes ?            
Ile du Diable vue de l'île Royale                      
Mini-grenouilles qui pullulent sur l'île
 
                        
La piscine des bagnards qui leur permettait de se laver sans craindre les attaques des requins
 
Nous rentrerons en fin de journée avec une heure de retard (merci qui encore ? Merci Yannick !). Juste le temps d'avaler un madras (hamburger local qui ressemble à ceux de chez nous, si ce n'est qu'ils sont fait devant vous et qu'en plus du steack, on y ajoute un oeuf, et du piment). Nous voici donc sur la route entre Kourou et St Laurent du Maroni. Il faut savoir que la Guyane est donc couverte à 95% de forêt et qu'elle ne possède que 2 routes nationales non éclairées (avantage, c'est difficile de se perdre).
Nous voilà donc sur la RN1, en pleine nuit, la pluie tropicale nous empêche de voir plus loin que le capot de la voiture, les éclairs de l'orage illuminent le ciel et nous montrent lesgrenouilles et crapauds boeufs qui sautent devant la voiture (un serpent dressé nous fera même l'honneur d'une apparition à la sortie d'un virage). Bref, une vraie scène de mauvais film d'épouvante américain des années 50 ! Il n'y a pas âme qui vive. Sur le chemin, nous croisons de très rares voitures. Quand un chauffard refuse d'enlever ses pleins phares, en s'approchant, on réalise que la voiture ne semble pas se déplacer, on s'approche à vitesse raisonnable quand tout à coup un homme se dresse devant nous, les bras écartés. Pas le temps de ralentir, nous l'avons vu au dernier moment, en dépassant sa voiture à cause des pleins phares. Le coeur battant la chamade nous restons muettes de peur pendant quelques secondes. Heureusement, qu'il avait esquivé la voiture au dernier moment. Il devait être en panne, mais la règle numéro un en Guyane: ne jamais s'arrêter lorsqu'on voit quelqu'un en panne, vous avez une chance sur trois que ce soit un traquenard. Nous poursuivons donc notre route, à la recherche du carbet que nous avons réservé pour y passer la nuit mais rien n'est éclairé sur la route. Enfin, nous voyons de la lumière et une pancarte sale nous indique « Carbet ». Nous engageons la voiture sur la piste cahoteuse et nous arrivons sur un groupement de maisons faites de guingois. Sur la terrasse de la plus grande d'entre elles, une TV sur des parpaings face à un vieux canapé éventré sur lequel sont avachis un groupe d'hommes aux visages patibulaires avec des bières à la main. Sans même se concerter, je verrouille les portières et Aurélie enclenche la marche arrière ! Nous fuyons ce lieu dans lequel nous n'aurions pas été étonnées de croiser Jason et son couteau ou Freddy et ses griffes meurtrières ! Nous traçons d'une seule traite jusqu'à St Laurent du Maroni où nous finissons par trouver un hôtel et nous écrouler sur les lits! Aventurières oui, suicidaires non !
 
23 février : St Laurent du Maroni
Réveil détendu. Petit-déjeuner royal dans un café sympa. Accueil agréable et professionnel à l'office du tourisme (pas comme à Cayenne où on vous tend négligemment une mauvaise photocopie d'un plan pas à jour de la ville). Bref, très bonnes premières impressions de la ville de St Laurent. A gauche: la statue du bagnard. La ville est très jolie, les maisons du début du siècle typiques de Guyane sont bien entretenues et/ou restaurées.
Photo de droite: un vendeur de "Sinobol", glace pillée arrosée de sirop (ça vient de l'anglais: "snowball").
Nous décidons de visiter le bagne de St Laurent où le célèbre Papillon a séjourné. Et bien, même en pesant mes mots, dans les bagnes, à part l'absence de chambres à gaz, le traitement des forçats n'était pas plus enviable que celui des malheureuses victimes du nazisme et de ses collaborateurs. Lit et « oreiller » en bois avec barre de fer de passé au fer que les forçats avaient au pied jour et nuit, travail dit de fatigue pour construire leur propre bagne, puis la ville, puis les routes et chemin de fer qui traversaient la jungle amazonienne, cellule exiguë, « infirmerie » au lit unique en béton avec un seul coin toilette pour 40 à 60 bagnards malades qui de toute façon n'étaient pas détachés la nuit, justice arbitraire des gardiens qui avaient quasiment droit de vie ou de mort sur les forçats. On risquait la guillotine pour ne pas avoir salué un gardien ou pour s'être appuyé contre le mur et salit son uniforme de bagnard!.Les gardiens pouvaient même désigner le meilleur ami d'un détenu pour actionner le couperet qui lui ôtera la vie : ce serait pas de la torture psy ça? Les condamnés voyaient leur peine doublée systématiquement afin de les inciter à faire souche en Guyane : par ex. ils faisaient leur 4 ans d'enfer au bagne puis 4 autres années où ils pouvaient travailler à l'extérieur et se créer un tissu social mais ils devaient rentrer dormir au bagne. Après quoi, à la fin de la peine, ils pouvaient avoir un lopin de terre, un petit pécule et aller choisir une épouse au bagne des femmes. Si toutefois leur peine était supérieure à 10ans (ou 8 je ne sais plus), elle n'était pas doublée parce que de toute façon ils n'avaient plus le droit de rentrer en métropole! La belle vie quoi! Et ce petit jeu a duré jusqu'en 1952, autant dire hier !!!!
 
Alors, on essaie de fuir ?!
  
La visite a été super intéressante et m'a donné envie de me renseigner plus sur cette partie de la France et de son histoire, dont finalement on ne parle pas trop dans les livres d'histoire à l'école (la honte peut-être, non ?). Ceci dit, les visites des bagnes des Iles du Salut et de St Laurent nous ont permis de voir que Papillon était un gros menteur !!!! Il ne s'est pas échappé de l'Ile Royale en sautant d'une falaise à bord d'un canot fait de noix de coco pour la bonne et simple raison que :
1 - il n'y a pas de falaise,
2 - les bandes de requins qui étaient maintenus autour des îles par la présence des cadavres jetés à la mer, attaquaient tout ce qui flottait à la surface de l'eau (meilleur qu'un rouleau de fil barbelé ce truc !),
3 - il était à St Laurent du Maroni !?!?
Le graffiti de la photo a d'ailleurs été authentifié par son auteur. Bref, le monsieur a dû faire un condensé de toutes les histoires vraies ou non de ses co-détenus, le mixer avec la sienne et en recracher un livre qui lui a permis de vivre heureux ! Futé ce Papillon !
               
  
 
 
 
 
 
 
 
 
Après cette visite très instructive sur bien des plans, nous décidons de faire le tour du « Petit Paris » partie de la ville construite et entretenue par les bagnards.
 
 
Nous traçons ensuite vers St Jean où un autre bagne attend d'être visité. Une fois sur place, on hésite, on a peur d'entendre les mêmes choses que sur les îles et à St Laurent. Comme il y a un zoo à visiter qui est parait-il intéressant, nous nous replions sur cette option. Sauf que. vu l'accueil des plus désagréables des ténardiers qui en sont les proprio, on décide de filer directement sur Awala Yalimapo. En même temps, on se dit que d'essayer de trouver le carbet pour la nuit AVANT la tombée de cette dernière et nous éviter la mésaventure de la dernière fois, ce n'est pas si idiot après tout ! Bien mal nous a pris car en fait le carbet est sympa, sur la plage mais il est du coup très isolé et pas gardé. Donc comme il semblerait que nous soyons les deux seules occupantes du lieu pour la nuit, au niveau sécurité, on ne le sent pas trop. Alors hop, direction Mana !!! On essaie de trouver un gîte mais tous semblent fermés car la saison d'observation des tortues de mer venues pondre n'a pas commencé. Après une ou deux heures d'errances dans le village, des personnes nous conseillent de dormir chez « les soeurs ». Nous nous dirigeons donc vers l'église et là, nous sommes obligées d'attendre la fin de la messe !!! La nuit est tombée, nous n'avons pas où dormir et les moustiques dans le coin sont aussi gros que des hélicoptères (ils ne piquent pas, ils ponctionnent !).
Heureusement, elle est très jolie cette église.
 
                                             
Et nous attendons sous le regard protecteur d'Anne-Marie Javouet, fondatrice de ce village. 
 
La fin de la messe arrive enfin et nous nous dirigeons vers le presbytère où nous attendons Monsieur le Curé. Là, le gentil homme nous dit : « ah mais c'est pas ici, il faut aller chez les soeurs de l'autre côté ! Et si ça se trouve, elles ont déjà tout fermé à clef ! » Nous remercions rapidement, courons chez les soeurs qui nous accueillent avec un « ah, c'est dommage mais nous sommes complet ! » Je vous raconte pas nos têtes ! Moi, je me vois déjà prendre le volant et retourner à St Laurent pour reprendre une chambre dans l'hôtel.Mais Aurélie qui est plus jeune et donc qui a l'ouïe plus fine, a entendu : nous n'avons plus de chambre double mais une avec un seul grand lit ? Elle crie presque : « mais ça ne nous gêne pas de dormir dans le même lit ! » La tête des soeurs que visiblement ça gêne de nous voir partager le même matelas ! Bon, à force de négociation, nous finissons par les persuader que nous ne ferons pas de cochonneries dans le lit, toutefois, elles nous donnent 2 draps pour que nous n'ayons pas à partager le même.On suit Soeur Hernestina ou Augustina (j'sais plus), et elle nous montre notre nid douillet : une chambre faite de planches de bois bringuebalantes, d'un lit du dessous duquel sort une chauve-souris ! Nous sommes aux anges ! Nous déposons nos effets personnels et filons au chinois du coin de la place pour y prendre un dîner bien mérité ! Ce restaurant ressemble plus à une arrière-boutique d'épicerie, mais peu importe: tout ce qu'on veut c'est manger.
 
Comme Aurélie n'a pas voulu coincer la moustiquaire sous le matelas et l'a laissé tomber jusqu'au sol, la chauve-souris m'a réveillé quand elle a voulu retrouver ses pénates au petit jour ! Pas contente la d'moizelle que l'accès à sa chambre soit bloqué !
 
24 février : Merci ma soeur !
Réveil difficile après une nuit agitée entre le bruit de la pluie torrentielle qui s'est abattue sur le village dans la nuit et la chauve-souris qui rouspétait parce qu'elle ne pouvait pas aller se coucher. Nous payons notre chambre, remercions les soeurs et hop direction Iracoubo et Sinamary. Ces villages n'ont rien de bien extraordinaire si ce n'est la gentillesse des gens (mais c'est, de mon expérience, général en Guyane.), et les églises joliment décorées et peintes par les anciens bagnards.
Iracoubo
Sinnamary 
 
Mais la fatigue des derniers jours commence à se faire sentir et nous décidons de rentrer rapidement sur Cayenne. Je conduirais les derniers kilomètres car Aurélie n'en peut plus. Nous arrivons lessivées au bungalow, on se traîne sous la douche et nous sombrons d'un sommeil de plomb. En fin d'après-midi, les voisins viennent nous inviter pour l'apéro puis nous irons dans un restaurant créole où Philippe (le commissaire du port) nous invite royalement ! Très bonne façon de passer ma dernière soirée en Guyane !
 
25 février : J'veux pas partir !!!!
Jour du départ, j'veux pas !!!! A chaque voyage c'est plus dur de rentrer. Je fais ma valise et nous allons déjeuner chez Christiane. Pas envie de les lâcher mes guyanaises de coeur et de naissance !!!! Aurélie m'accompagne à l'aéroport, on se dit au revoir rapidement : on est pas fortiches pour les bye bye ...
Je remonte dans le « gros navion » et direction la métropole et sa capitale !
 
26 février : Paris
Bilan de la Guyane : J'ADORE ! C'est un pays dur mais splendide, difficile d'accès mais fascinant et surtout j'ai eu un bon contact avec le rédacteur en chef de « La Semaine Guyanaise » avant de partir de Cayenne (nous devons nous voir fin mars normalement), comme quoi, ce séjour m'aura quand même permis d'avoir un contact pour un potentiel futur taff  !!!!
 
Je pense que la Guyane, on aime ou on déteste : moi, j'ai adoré. Il est vrai que le fait qu'Aurélie y soit depuis sept mois, que je l'ai suivi partout avec ses amis, qu'elle m'ait fait participer de façon active (oh combien?) au Carnaval et à ses réjouissances, y sont probablement pour quelque chose.
Je sais que la Guyane a mauvaise presse : département le plus dangereux de France, Far West Français pour les derniers baroudeurs de la Terre, drogue, prostitution et leur lot de violence à chaque coin de rues... Mais honnêtement, je ne me suis pas sentie en insécurité en ville. Effectivement, sur les routes de nuit, il est clair qu'il ne faut JAMAIS s'arrêter même si vous voyez une personne étendue au sol (c'est un classique des attaques de la route).
Donc, Aurélie, je pense que je vais revenir l'année prochaine et là on fera les Marais de Kaw, Saül, Maripassoula, la descente de l'Oyapock en pirogue ....etc... etc ...
 

Publié dans Découvertes

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